jeudi 15 novembre 2012

La réminiscence à Regain : une thérapeutique qui ne rime pas toujours avec pharmaceutique


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Au fur et à mesure de l'évolution des maladies neurodégénératives, les soignants comme les aidants principaux doivent, très fréquemment, faire face à l'apparition de troubles psycho-comportementaux. De nos jours, les études et les articles se multiplient sur la prise en charge des personnes chez qui ces troubles sont présents. Les résultats de certaines de ces études semblent démontrer qu’une réponse pharmaceutique, à elle seule, ne fournirait pas une réponse satisfaisante.

D’autres résultats, provenant de l’évaluation des Thérapeutiques Non Médicamenteuses (T.N.M.) laissent supposer qu’elles pourraient avoir une influence sur la survenue des troubles psycho-comportementaux sans pour autant freiner l’évolution de la maladie. Les résultats de ces études souffrent toutefois de la variabilité des méthodologies qui ont été utilisées. Afin d’améliorer la robustesse des preuves à ce sujet, et de recommander leur utilisation de façon plus systématique, la Haute Autorité de Santé a proposé la mise à l’épreuve de trois T.N.M. dans le plan Alzheimer 2008-2012 par le biais du projet E.T.N.A.3 (Evaluation de 3 Thérapies Non médicamenteuses dans la maladie d'Alzheimer).
Ce projet a pour objectif principal d’évaluer leur efficacité à long terme (2 ans) en déterminant si elles permettent de retarder chez les patients atteints de maladie d'Alzheimer l’entrée dans la phase modérément sévère à sévère de la maladie. Les trois thérapeutiques qui ont été sélectionnées sont les suivantes : atelier de stimulation cognitive, de réminiscence et un programme de prise en charge individuelle (la Validation).

                 Sur la base de cette proposition nous avons mené une réflexion autour de ce qui était réalisable pour nous avec l’objectif de la mise en place d’ateliers thérapeutiques. Bien entendu, à notre niveau, l’objectif n’est pas, pour nous, d’abonder dans le sens d’un ralentissement de l’évolution de la pathologie mais bel et bien de s’emparer d’une technique permettant de favoriser le bien-être de la personne en revalorisant l’estime de soi.

Dans un premier temps, cette réflexion nous a conduits à concevoir des séances de stimulation cognitive. Cependant, rapidement nous en sommes venus à la conclusion que cette approche n’était pas pertinente pour les patients de l’unité Regain. En effet, leur accueil dans le service se fait presque toujours en état de crise avec des troubles qui rendent impossible la mise en place de ce type de prise en charge.

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Dans un deuxième temps, nous avons décidé de proposer la mise en place d’un atelier de réminiscence. Cette approche nous est apparue beaucoup plus adaptée à notre population. Mais qu'est-ce que la réminiscence ? Comment se déroule une séance type et quelle préparation préalable nécessite-elle ? Pour ne pas conclure, quelles sont les réflexions que suscite la mise en place de ce projet dans notre unité ? Nous nous proposons de vous présenter celui-ci en articulant notre propos selon ce questionnement.
                                 
Réminiscence... Vous avez dit réminiscence ?

Selon le Larousse une réminiscence serait « un retour à la conscience claire de souvenirs non accompagné de reconnaissance » ou « un souvenir vague ou incomplet, difficile à localiser ». Certains auteurs tentent d'en cerner plus précisément le sens au travers de notions philosophiques, psychologiques et littéraires. Le Petit Robert la définit comme « un souvenir vague, imprécis, où domine la tonalité affective ». Arlette Golberg précise que la réminiscence est à la fois « le processus d'émergence d'un souvenir ou de ce qu'il en reste, et comme le résultat de ce processus ». Tout l'intérêt de l'atelier de réminiscence serait alors de se situer à la fois au niveau du processus et de sa finalité. Autrement dit lorsque l'on fait de la réminiscence l'on favorise l'émergence et l'évocation des souvenirs par le biais de leur tonalité affective.


Déroulement d’une séance type

Les patients qui participent à cet atelier ont bénéficié d’un entretien permettant de retracer leur histoire de vie et d’orienter vers un thème qui leur est adapté. L’atelier est prévu une fois par semaine (principalement le week-end).

Les patients :
Nous nous efforçons de constituer des groupes homogènes en fonction des symptômes et non de la pathologie. Les patients présentant des gros troubles de la communication ou des troubles cognitifs trop importants ne peuvent pas êtres inclus dans le groupe. Néanmoins, nous réfléchissons sur la possibilité d’adapter ce type de prise en charge de façon individuelle afin qu’il puissent en bénéficier. En revanche, ceux qui présentent un repli sur soi, de l'angoisse, avec atteinte ou non des fonctions cognitives peuvent être proposés. L’indication du groupe pour chaque patient devrait pouvoir être argumentée sur la base d’une réflexion pluri-disciplinaire au cours de la réunion clinique du service.

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Les séances :
                 Les séances doivent se dérouler dans une atmosphère sereine et agréable. Pour cela, elles nécessitent une bonne préparation préalable. Chaque séance est organisée autour d’un thème inspiré des différentes étapes de la vie (l’école, le travail, la cuisine…). Celui-ci est abordé au travers de supports variés tels que des objets d'antan, des photographies, des livres, des vidéos et des diaporamas. Afin d'amorcer la séance, nous commençons par nous présenter individuellement puis procédons à une réorientation temporo-spatiale, autour d’un thème d’actualité récurent. Après cette mise en route, il s'agit de rappeler le principe de cet atelier et d'en rappeler quelques « règles » afin que chacun puisse s'exprimer librement (ex : respecter celui qui parle en ne lui coupant pas la parole, ne pas porter de jugement,...). Ensuite, vient le moment de la présentation du thème et des outils. Chacun prend connaissance des supports par le biais des différentes modalités sensorielles (manipulation des objets, observation des photos,…). Petit à petit les patients évoquent leurs souvenirs personnels. Les animateurs suscitent, favorisent et soutiennent les échanges entre les différents participants. A la fin de la séance, nous proposons une collation tout en échangeant sur les thèmes qu'ils aimeraient aborder la prochaine fois.


Observations, questionnements et réflexions
pour ne pas conclure 

De manière générale, nous constatons que la participation à cet atelier a un effet sur l’humeur et le désir de communiquer qui semble se prolonger à l’issue des séances. Cependant, nous ne nous sommes pas encore donné les moyens d’en évaluer concrètement les bénéfices.

Durant ces ateliers, l'idéal serait d'intervenir à deux, l'un en tant qu'animateur, le deuxième en tant qu'observateur/co-animateur de ce qui se passe pendant cette séance (participation des membres du groupe, attitude, vécu émotionnel, bénéfices qu'ils en tirent) de façon a pouvoir ouvrir une discussion, a posteriori, sur ce qui s’est passé pendant l’atelier. Les observations devraient se poursuivre au delà de la séance d’atelier afin d’appréhender son bénéfice à plus long terme sur l’humeur et le comportement (prolongement des discussions, naissances d’affinités…).

Nous réfléchissons sur la possibilité d'individualiser cet atelier auprès de patients chez qui les atteintes neuro-psycho-comportemenentales sont plus importantes et limitantes pour leur intégration au sein d’un groupe. Pour ce type de patient, il serait également  intéressant de coupler la réminiscence à des « animations flash » sur une durée de 15mn maximum afin d’essayer de  répondre de façon rapide et non pharmacologique à l’apparition d’un trouble du comportement.

A ce jour, la réalisation de ce type d’activité est à l’initiative des soignants sans qu’elle soit véritablement inscrite institutionnellement dans les réponses thérapeutiques envisagées par l’équipe. Pourtant celle-ci présente un intérêt certain pour les patients comme pour les soignants. Il y a donc encore là une piste de réflexion à mener pour informer et convaincre du bienfait de cet atelier et pour faire en sorte qu’il s’inscrive comme un moyen supplémentaire au même titre que les réponses pharmaceutiques dans le projet de soin individualisé des patients de Regain. Par ailleurs, les séances autant que leur préparation demandent du temps qu'il faudrait savoir dégager de l'organisation institutionnelle afin de s’assurer de la continuité et de la cohérence de l’activité. En d’autre termes, il nous semble que pour que vive une activité de ce type elle doive s'inscrire dans l’organisation du soin.

Sylvie SIANO -  IDE Unité de soins Regain
Stéphane RICHAUD - Neuropsychologue Regain/EMG


Bibliographie :
Arlette Goldberg ; Animer un atelier de réminiscence avec des personnes âgées, Chronique sociale, (2001) 2008

Sites internets :



Remerciements

Nous tenions à remercier Mme Arlette GOLBERG pour l'intérêt porté à notre article ainsi que pour ses orientations vers certaines études européennes.